Les sculptures monumentales de Toros, sculpteur à Romans
La 33e oeuvre du sculpteur Toros, intitulée “l’Aigle d’Arménie”, sera installée en 2015 sur l’espace public au Parc de Sceaux.> Voir l’agenda des expositions et les news de R. Toros
Quelques-unes des sculptures monumentales du sculpteur R. Toros :
- Le Flûtiste, à Romans-sur-Isère (26)
- La Femme au Chapeau, à Bourg-de-Péage (26)
- La Fierté, parvis des Droits de l’Homme à Romans-sur-Isère (26)
- La Danseuse, à Massy (91)
- La Tête de Taureau, à Tain l’Hermitage (26)
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Telles des guirlandes gouleyantes, les grappes de raisin de la petite vigne de Toros tombent sur un jardin extraordinaire. La cuvée 2001 est annoncée. Juste devant la maison, sur un perron gourmand, poussent des sculptures. Le potager de Toros s’étend de l’autre côté de la rue. Plus spacieux que son square verdoyant peuplé d’œuvres récentes, l’atelier s’ouvre sur une mosaïque de bonheurs apparents.
Le lieu et l’homme divorcent parfois : « je ne suis pas malheureux, mais je ne peux être complètement heureux car je sais trop de choses », dit-il en guise d’avertissement. Il réduira la narration de son passé au souvenir de travaux forgés à coup d’heures de transport de charbon. Il avait dix ans. Depuis, ce natif d’Alep bonifie la somme de ses épreuves par la douceur d’une existence d’artiste et l’exigence d’un forgeron.
Installé à Romans, « le monde tourne autour de lui comme le soleil autour de la terre ». Aérien comme l’oiseau, terrien comme un cheval, mystique comme le corps des femmes, Toros accueille sur sa terre des éléments de force et de sensualité. Avec son regard de braise (comme Picasso), l’aficionado du mouvement et du symbole épouse l’arène de ses tendres délires pour tuer l’ordinaire. Chaque oeuvre, qu’elle soit fontaine sur une place publique, ou objet de collection privée, atteste de la formidable vitalité d’un rêveur éveillé.
Chef d’une « tribu de filles » (son épouse et ses enfants, c’est sacré !), il dessine la beauté sans bavardage en sculptant aussi les âmes : « Dans ce que je fais, je mets l’intérieur de la personne ». Cuivre, métal de cuivre, bronze et zeste d’argile peut-être, les créations de Toros distillent noblesse et tendresse.
L’art vu en cuvée du siècle ! Article de Françoise Petit, paru dans le Figaro Magazine du samedi 6 octobre 2001.
Nonchalances
Un voluptueux ! Il a le regard de Picasso. Vous savez, ce regard noir, perçant, aux aguets, étonnamment mobile. Un oeil brûlant, inquisiteur, qui détaille sa proie avant de la savourer. Le sculpteur Toros possède ce regard charnel qui est manifestement celui d’un voluptueux. Son oeuvre en est fortement imprégnée.
A quelques exceptions près, elle est un hymne à la femme, ardent, chaleureux, amoureux. A propos des femmes de Toros, Séverine Poncet écrit fort justement : « elles sont devenues sensuelles et évocatrices, pour parler d’amour, encore et encore. Toros dit que c’est la clé du bonheur. Mais il dit aussi que pour être heureux, il faut être fou ou être un enfant »…
J’ai connu cet homme il y a plus de trente ans lorsqu’il arrivait à Valence. Il avait déjà l’oeil luciférien. Il venait de quitter la pierre pour le métal, et le modelait par le feu et la massette. Entre ses puissantes mains de praticien, le matériau froid devenait docile et chaleureux, prenait des formes épurées, fortes et douces. On avait l’impression que le sang circulait dans ses statues. Dès ce moment, on pouvait pressentir le talent de l’artiste et le devenir de son oeuvre.
Après le modeste atelier des débuts à Valence, j’ai revu Toros dans son vaste espace de création à Romans, car l’homme a besoin de monumental. Il a l’idée, le muscle, et le courage qui conviennent pour un tel face à face, un tel corps à corps. Le sculpteur sait dompter l’élément réputé dur, rebelle, peu malléable, et le contraindre, lui imprimer sa volonté, l’amener à chanter son propre credo : la beauté des corps, et singulièrement le corps de femmes.
Place de l’Université : quelques statues sont disposées dehors, à même le sol, comme les Maillol aux Tuileries. C’est ainsi, à hauteur d’homme, qu’elles s’apprécient le mieux. Toros connaît par cœur l’architecture féminine, et voit le port de tête altier, la fausse fragilité de l’épaule, le dôme aigu du sein, la fécondité de la hanche, la nervure des reins, le délié de la jambe.
Et le plus admirable c’est que tout cela, bien que ce soit de bronze, de cuivre ou de laiton, s’anime d’une existence quasiment charnelle avec parfois, en plus, une sorte de vie intérieure, et même, j’irai jusque-là, une frénésie de vivre.
Je vous le disais, ce Toros est un voluptueux.
Article de Pierre Vallier, paru dans Le Dauphiné Libéré du dimanche 22 juillet 2001.